Sylvie est responsable d’un service de 7 personnes dans une collectivité de 350 personnes. Elle a des difficultés relationnelles avec une collaboratrice, Pascale, qui ne manque pas de la dévaloriser dès qu’elle en a l’occasion. Sylvie souffre de cette situation car elle est d’un naturel aimable, convivial et elle déteste les conflits. La situation devenant intenable, Sylvie s’est résolue à avoir un entretien de recadrage avec Pascale dont l’aboutissement a partiellement apaisé les tensions. Pascale a pris en compte les remarques de Sylvie mais a aussi fait savoir, à qui voulait l’entendre, que Sylvie pratiquait un management musclé, vraisemblablement en application d’un coaching.
Quand cette nième tentative de déstabilisation est revenue à ses oreilles, Sylvie s’est sentie désemparée, ne sachant plus quoi faire et surtout avec une très forte anxiété sur l’image qu’elle pouvait donner auprès de tous les agents de la collectivité. Allait-elle encore avoir ce crédit de sympathie qui lui était accordé, jusqu’à lors, par à peu près tout le personnel ?
Manager s’est s’exposer. Parmi différents rôles du manager, Mintzberg cite celui de « figure de proue[1] ». Sous le soleil, cette position peut être agréable mais en pleine tempête, le manager doit être prêt à recevoir la première vague en pleine face. C’est froid, mouillé, salé… désagréable. Dans le cas exposé, Sylvie reçoit à peine un peu d’embrun comme dans ces attractions où il est présenté un film en 3D, qui s’accompagne de mouvements de siège, souffles et gouttelettes pour augmenter le frisson lié à l’image. A la fin du spectacle, vous êtes un peu secoué mais vous savez que ce que vous avez vécu, comme la démonstration d’un tsunami, tremblement de terre ou autres catastrophes, n’a rien à voir avec ce qui serait vécu dans la réalité.
Quelle est cette crainte qu’exprime Sylvie ? Ce sont ces projections, qui viennent d’un passé proche ou lointain, qui l’empêchent de discerner la situation réelle de ses représentations.
« Ce qui tourmente les hommes ce n’est pas la réalité mais les opinions qu’ils s’en font[2] ».
A ce moment, deux options s’offrent à Sylvie :
Elle peut accepter de passer pour ce qu’elle n’est pas à savoir un manager rude. Son travail serait alors de se blinder contre les critiques, ce qu’elle craint par dessus tout.
Elle peut aussi prendre du recul sur ses vielles croyances et regarder la réalité avec plus d’objectivité. Cesser de confondre le présent et le passé.
Nous nous sommes arrêtés sur la deuxième option. Ce travail consiste à développer l’autonomie, au sens où Berne[3] la décrit et plus particulièrement, « la conscience claire ». Il s’agit de voir une cafetière telle qu’elle est et non une machine qui sert à faire le café ou d’écouter le chant des oiseaux de sa propre manière, sans l’influence du parent ornithologue. Dans une certaine mesure, cette notion peut rappeler la « pleine conscience » (mindfulness), une des pratiques de la méditation bouddhiste qui vise à se concentrer sur ce qui est, dans l’instant présent.
L’analyse transactionnelle[4] propose plusieurs approches pour accompagner une personne à se situer dans le présent. Ici nous avons utilisé le concept de décontamination de l’état du moi Adulte, celui de l’ « ici et maintenant », qui différencie le passé du présent. Berne a mis en place un protocole en 8 opérations[5]. Nous avons travaillé plus simplement, à partir d’une représentation graphique qui a pu montrer à Sylvie qui sont les personnes qui comptent pour elle, comment elles peuvent recevoir ces ragots et qui sont les personnes qui pourraient les prendre en considération.
[1] Henry Mintzberg – Le management voyage au centre des organisations
[2] Epictète – Le manuel
[3] Eric Berne – Des jeux et des hommes
[4] http://fr.wikipedia.org/wiki/Analyse_transactionnelle
[5] Eric Berne – Principes de traitement psychothérapeutique en groupe